Partager l’information & mieux prévenir le risque inondation avec uMap
Dans les montagnes des Hautes-Pyrénées, les gaves connaissent régulièrement des crues torrentielles, avec comme conséquence des risques majeurs dans les vallées. Voici la présentation d’un projet global qui associe communication et analyse technique sur un outil cartographique basé sur uMap. Le syndicat mixte du Pays de Lourdes et des Vallées des Gaves propose un portail d’information consacré à la mémoire des inondations pour sensibiliser les maires et la population des Vallées des Gaves. Benoît Thouary, chargé d’études au service prévention des inondations, géographe de formation spécialisé en prévention des risques naturels, présente cette approche très complète, adossée à des archives multimédias et à une base de données.
Nous avons repéré votre carte des repères de crues sur l’instance uMap agents publics. Elle associe des photographies et des dates à une thématique de risque qui intéresse de nombreuses vallées de montagne.
Benoît Thouary : Notre collectivité gère la compétence Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI). Nous essayons concrètement de prévenir l’inondation via plusieurs axes, études et travaux, prise en compte du risque inondation dans l’urbanisme, amélioration de l’anticipation et prévision des événements. Et notre activité couvre aussi l’information préventive des populations afin de favoriser le développement d’une culture du risque sur le territoire. C’est ce dernier objectif que nous essayons d’atteindre par le biais de cette carte en ligne sur les repères de crues.
Carte sur les repères de crue réalisée sur uMap (voir en plein écran)
❓Repère de crue, une obligation légale :
Un repère de crue (ou repère des Plus Hautes Eaux Connues) est normalisé, il sert à matérialiser les hauteurs d’eau survenues historiquement sur un territoire. C’est une obligation légale pour le maire dans les communes soumises au risque d’inondation de recenser ces repères de crues.
L’une de nos missions consiste à accompagner les maires dans l’identification des laisses de crues (marques laissées par le débordement des eaux) pour les matérialiser en repères de crues qui prennent la forme de macarons indiquant la hauteur d’eau atteinte par les crues. Nous avions trouvé l’outil uMap sympathique pour informer les populations sur ces aléas de manière interactive. Antoine, arrivé récemment en stage au PLVG, est en première année de master de géographie-aménagement à Toulouse. Nous lui avons confié la réalisation d’atlas de zones inondables sur le territoire en vue d’une diffusion plus large à destination des élus et des habitants. Ces cartographies seraient diffusées via l’outil uMap.
Cette carte est à quelle phase d’avancée ?
Benoît Thouary : La carte des repères de crue est un premier projet que j’avais initié en 2021 mais qui a bénéficié du travail de Sam Moget, un stagiaire de Master 2 qui a identifié l’ensemble des repères de crues sur le bassin versant du Gave de Pau amont et a permis de valoriser ces données via uMap en 2022. Après avoir testé toutes les fonctionnalités possibles, la carte interactive a été intégrée directement sur notre site thématique « Mémoire des inondations en vallée des Gaves ».
Et cette carte sur les repères de crues s’intègre au portail « Mémoire des inondations en vallée des Gaves », un projet global
Benoît Thouary : En effet, ce site vise à pérenniser la mémoire des crues sur le territoire car nous avons une fâcheuse tendance à oublier très vite ce qu’il s’est passé… Nous souhaitions valoriser le maximum de médias, essentiellement des photographies récentes et anciennes, sur les crues historiques du territoire. Nous disposons de nombreuses archives que nous mettons à disposition du grand public par l’intermédiaire de ce site. La recherche s’effectue par navigation sur la carte (toutes les photographies sont géolocalisées) ou via un moteur de recherches par année, commune ou type de média. Cet outil qui n’est pas basé sur uMap a été développé par une agence multimédia basée près de Tarbes.
Cette base de données est reliée à un site d’archivage interne hébergeant plus de 8 000 photos. Il nous suffit de préciser « diffusion grand public » pour qu’une photographie soit visible sur la carte du site Internet grand public.
Ce site Internet vise globalement à faire comprendre le type de crues qui peuvent survenir sur notre territoire, leur caractère torrentiel, mais également les outils pour prévenir le risque inondation. Outre la carte des repères de crues, ce site permet de diffuser le film que nous avons produit sur la crue exceptionnelle de juin 2013 dans les Pyrénées.
Quelles fonctionnalités de uMap avez-vous utilisées ?
Benoît Thouary : J’ai assisté à un webinaire de présentation de uMap avec les e-communautés du CNFPT et c’est à ce moment-là que j’ai souhaité télécharger toutes les données de ma carte réalisée sur Framacarte pour les basculer sur cette nouvelle instance déployée par l’ANCT. J’ai pu apercevoir que certaines fonctionnalités différaient, notamment pour la gestion des icônes. Il me reste encore quelques réglages à affiner, comme le seuil de zoom.
🔆 Les instances de uMap :
L’outil uMap est disponible sur plusieurs instances, Framacarte est l’instance uMap de Framasoft. Outre l’instance historique sur OpenStreetMap, il existe d’autres instances dans d’autres pays. La dernière en date, dédiée aux agents publics, est hébergée par les serveurs de l’ANCT.
Avez-vous déjà identifié des éléments bloquants sur uMap ?
Benoît Thouary : Le point bloquant pour nous est l’hébergement des images qui sont affichées à chaque clic sur l’icône de la carte repères de crues. Il nous faudra bien choisir le site d’hébergement de ces clichés car certains liens expirent parfois. Hormis cela, je trouve que cet outil est super pour des structures publiques telles que la nôtre qui ont des besoins de communiquer efficacement auprès du grand public ou de partenaires. Je suis tombé sur l’outil uMap un peu par hasard en étant un utilisateur régulier de la suite logicielle en ligne Framasoft. Avant de découvrir cet outil, je pensais qu’il n’existait que des outils payants. L’outil est tellement intéressant que nous avons d’autres projets d’exploitation cartographique en essayant d’aller un peu plus loin sur uMap afin d’utiliser toutes ses potentialités.
Et combien de personnes ont travaillé sur cette carte ?
Benoît Thouary : Deux personnes ont travaillé sur la carte des repères de crues. En temps cumulé, j’ai dû y consacrer environ 3 jours pleins. Le stagiaire a passé plus de temps c’est certain, une dizaine de jours en ordre de grandeur. Ce temps comprend la prise en main de l’outil, la remontée des données sur la carte, l’exploitation pour bien sélectionner les données à afficher. Le plus long fut de tester les différentes fonctionnalités de l’outil pour mesurer jusqu’où nous pouvions l’exploiter. Au départ, le temps de prise en main de uMap est important – importer une donnée, créer des icônes ou des objets, accoler une image, gérer le texte, les titres, la police, le format de la légende… Une fois ce cap passé, tout va plus vite.
Aviez-vous utilisé la documentation à l’époque ?
Benoît Thouary : Je ne me rappelle pas avoir trouvé beaucoup de tutoriels à l’époque. Nous avons découvert l’outil en le manipulant, en téléchargeant des couches, en modifiant des réglages… Avec le stagiaire, nous avons essayé de tester toutes les options possibles, plutôt de manière autodidacte.
Nous travaillons à centraliser la documentation, actuellement un peu éparpillée. Vous allez pouvoir retrouver des tutoriels par niveaux.
Benoît Thouary : C’est une bonne nouvelle. Cela rejoint la demande que j’avais formulée en webinaire, à savoir de disposer d’un tutoriel illustré sur les fonctionnalités et usages qui pouvaient être faits.
Je n’avais pas idée de l’ampleur de la base de données dont vous disposiez derrière cette carte et tout ce travail. Avez-vous connecté la base de données de vos archives avec uMap ?
Benoît Thouary : Les photographies des repères de crues sont connectées à une base de données des archives mais pas la carte des repères de crues. Pour cette carte uMap, nous avons importé des couches qui avaient été traitées par le stagiaire à l’époque. De ce fait, il n’y a pas d’actualisation automatique de la carte des repères de crue, ce qui nous convient car la base évolue peu sur cette partie-là. Si une couche est actualisée, nous la réimportons dans uMap sans difficulté. L’idée était d’intégrer cette carte à un site existant un peu plus large que la seule thématique des repères de crues, pour apporter des jalons complémentaires, une perspective historique.
Quel fond de carte utilisez-vous ?
Benoît Thouary : Nous avons choisi HOTOSM qui met bien en valeur les reliefs. J’ai regardé plusieurs fonds de carte, et j’ai trouvé que celui-là rendait bien.
Et au vu de cette expérience, avez-vous en tête d’utiliser uMap pour d’autres usages ?
Benoît Thouary : Tout à fait, au sein du service Prévention des inondations, nous souhaitons élargir son usage à la thématique des zones inondables dont s’occupe Antoine cet été. Il identifie l’ensemble des fichiers de données, toutes les couches dont nous disposons afin de les homogénéiser par périodes de retour de crues de 10, 30, 50 ou 100 ans. Nous réfléchissons à la façon dont nous allons représenter ces données, si nous allons associer les zones inondables aux repères de crues sur une même carte. Dans tous les cas, il faudra obtenir un rendu clair pour les utilisateurs.
Rencontrez-vous des difficultés pour accéder à des données qui devraient être publiques et n’ont pas été placées en open data ?
Benoît Thouary : Les données sont nombreuses, elles proviennent d’une part des services de l’État, la DDT65 essentiellement pour ce qui relève des zonages des risques naturels (PPRI), et d’autre part, elles sont également issues de toutes les études que nous avons lancées sur les bassins versants. Nous passons en revue les couches d’information dont nous disposons et relançons les prestataires pour récupérer les fichiers aux bons formats les plus récents.
La maîtrise des données lors d’une prestation est un vrai enjeu.
Benoît Thouary : C’est un enjeu de compétence et de temps disponible. Nous avons fait le choix de confier le traitement plus complexe de la donnée géographique à Pyrénées cartographie, un bureau d’études localisé près de chez nous, à Bagnères-de-Bigorre. Il organise le serveur de données SIG, et annuellement, met à jour les informations cadastrales et intègre les nouvelles données telles que le LIDAR HD de l’IGN.
Au PLVG, nous avons la chance de posséder un drone que nous utilisons fréquemment pour réaliser des prises de vues aériennes classique, produire de l’orthophotographie ou des modèles numériques de surface (MNS) avec l’aide de notre prestataire. Le drone est un outil d’analyse et de communication efficace. Au-delà des photos « avant/après » vues du ciel, nous essayons de capitaliser l’évolution hydromorphologique des cours d’eau dans le temps long.
❓Modèle numérique de surface :
Un MNS (modèle numérique de surface) décrit la forme du sol et du sursol du territoire. En plus du terrain, ce maillage régulier fournit l’altitude de l’ensemble des éléments au-dessus du sol comme la végétation, les bâtiments ou les ouvrages d’art.
Il serait vraiment intéressant d’inclure ces données dans uMap ! Si vous disposez de petits films de survol de drone, vous pouvez les appeler dans uMap et les associer à la trace GPX du trajet. Le film pourrait se lancer et apporter une lecture complémentaire. D’ailleurs, vous pouvez aussi appeler des flux de données dans uMap et les actualisations sont automatiquement affichées sur votre carte
Benoît Thouary : En effet, on pourrait imaginer valoriser les données de notre observatoire hydromorphologique via uMap, à condition de maîtriser les capacités des serveurs à partir desquels seront appelées les données avec une attention particulière sur les formats de données qui peuvent être volumineux, telles que les vidéos ou orthophotos. Cela me donne de bonnes idées pour notre observatoire !
🔆 Tuto minute : pour appeler un flux dans uMap :
Nous pouvons travailler avec vous sur l’ergonomie, avec par exemple la réalisation d’une carte globale en plaçant sur le site des vues paramétrées pour n’afficher qu’un seul calque. Les visiteurs à l’aise pour naviguer pourraient afficher les calques au besoin.
Benoit Thouary : Cet affichage des données en vues thématiques nous intéresserait beaucoup. Nous serions heureux de développer ces fonctionnalités ensemble.
🔆 Choisir son propre fond de carte :
À sélectionner dans les réglages de la carte. Le fond devra être placé sur un serveur et être tuilé. Une collectivité qui dispose de ses propres fonds de cartes issus de campagnes de drones, d’orthophotographies.
Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui ?
Benoît Thouary : Selon moi, le point faible de uMap réside dans l’affichage des couches et de la légende dans le panneau latéral qui me parait encore complexe pour l’utilisateur non initié. Il faudrait également pouvoir différencier des objets au sein d’une même couche, par une forme ou une couleur, au risque de devoir empiler les couches et altérer le rendu d’ensemble. Toutefois, cet outil est déjà très satisfaisant en l’état et pourrait intéresser mes collègues des autres services Milieux aquatiques ou tourisme car les applications métiers sont nombreuses. Nous ne faisons pas que capitaliser la donnée, nous la valorisons auprès de différents publics et l’outil uMap répond à cet objectif de communication interactive.
Entretien avec Sophie Clairet, géographe, Chargée de déploiement et Aurélie Jallut, Designeuse, le 3 mai 2024.
- Pour toute question, problème : umap@anct.beta.gouv.fr
- L’instance uMap pour les agents publics : https://umap.incubateur.anct.gouv.fr/fr/
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